Histoire d'un Dieu pas comme les autres

Rédigé par Métro-Boulot-Catho -

L'Eglise dit parler au nom de Dieu. Oui, mais le clergé Le bafoue parfois si ouvertement ; a-t-elle encore quelque légitimité à afficher une telle prétention ? Les prêtres, qui ne sont pas forcément plus dignes de cela que les autres, ont-ils vraiment le droit d'agir et de parler au nom du Christ ? En guise de réponse, je vous propose cette petite histoire... celle d'un Dieu pas comme les autres...

Il était une fois un Dieu qui estima que le meilleur moyen de se faire connaître des hommes était d'en devenir un Lui-même. Puissant comme Il l'était, il Lui aurait été facile de s'incarner comme un empereur, comme le super grand chef d'une armée puissante avec des armes de destruction massive plein les tiroirs, avec laquelle il aurait pu aisément soumettre les populations.

Au lieu de cela, Il eut l'idée saugrenue de vouloir qu'on L'aime, plutôt qu'on Lui obéisse, et Il s'avisa que, si l'on peut s'opposer à la puissance, on ne résiste pas à une faiblesse plus grande que la sienne. Aussi vint-Il au monde dans la chair d'un individu de basse extraction, un dénommé Jésus, né dans un vague patelin d'une région brûlée par le soleil.

L'enfant grandit, sous l'œil attentif et bienveillant de ses parents humains, chez qui il resta plusieurs années. Vers l'âge de trente ans, il sentit que son heure était venue d'aller secouer tout son petit monde. Pour que l'on continue à parler de lui après sa mort, il décida d'appeler à sa suite quelques hommes qui pourraient prendre la succession de son affaire. Ne pouvant recruter n'importe qui [il fallait des hommes bien, qui puissent être crédibles], il demandait à ceux qui se présentaient CV, lettre de motivation, références, garanties, et certificat de bonne moralité.

La sélection était aussi rigoureuse que possible. Ainsi, parmi les candidats, l'un d'entre eux se nommait Matthieu. Il avait une bonne plume, et il aurait pu rédiger une biographie intéressante ; mais il était publicain. Un publicain, vous comprenez, à l'époque et dans le pays où cela se passait, c'était un collecteur d'impôts, donc déjà quelqu'un de pas très honnête, mais surtout de l'impôt dû à l'envahisseur. Jésus, apprenant cela, entra dans une vive colère et lui dit "Je ne veux pas d'un collabo chez moi, tu n'es pas digne de faire partie de notre équipe, rentre chez toi". Et Matthieu s'en retourna à ses collectes. De même, un autre, Simon, zélote de son état comme son surnom l'indiquait, fut refusé car Jésus craignit que, s'il devenait trop zélé, il ne finît par nuire à son message de tolérance. "Avec ces intégristes, on ne sait jamais..." pensa-t-il.

Cependant, Jésus parvint tout de même à rassembler, de bric et de broc, une poignée d'individus pas super intelligents mais qu'il jugea néanmoins dignes de confiance. Il les appela ses apôtres et leur donna le droit de parler en son nom. Et la fine équipe s'en alla sur les routes et les chemins.

Au cours des années qu'ils passèrent ensemble, la désillusion de Jésus vis-à-vis des apôtres fut croissante et leur nombre se rétrécit peu à peu. D'abord ils brillaient rarement par leur perspicacité. Jésus cessa vite de compter les questions et remarques idiotes, du genre "Apprends-nous à prier", "Montre-nous le Père, et cela nous suffit", et ainsi de suite, qui prouvaient bien que décidément, ils n'étaient pas très malins pour ne pas comprendre qui il était.

Mais, plus grave, il se produisit plusieurs incidents au cours desquels certains apôtres firent preuve d'une incroyable présomption, tant ils restaient de toute évidence mus par leurs ambitions personnelles. Ainsi, un jour, leur grande affaire fut de savoir qui était le premier d'entre eux ; deux lui demandèrent même s'il était possible de réserver les places d'honneur, pour quand ils seraient au Ciel. Jésus se tourna vers eux, très en colère, et leur dit : "QUOI ??! Vous osez réclamer les premières places ? Je ne veux pas de ces prétentions chez moi, allez, dégagez, je me passerai de vous !". Et les deux retournèrent pêcher. Un autre jour, quelques autres commençaient à écarter les enfants qui voulaient l'approcher. Une fois encore, Jésus se mit en colère : "Mais avez-vous fini de décider à ma place qui a le droit de venir à moi ???? Allez ouste, du balai, ça vous apprendra à vous prendre pour moi ! Je n'ai plus besoin de vous !".

Un soir, Jésus se sentait très seul, très cafardeux. Il venait d'offrir aux apôtres encore présents un bon dîner, mais il avait un mauvais pressentiment. Les apôtres, pendant ce temps, dormaient sans s'occuper de lui, ne songeant sans doute qu'à leur digestion. Dans la soirée, un petit groupe d'opposants vint le chercher, guidés [c'est quand même un comble !] par l'un des apôtres [oui oui, un de la bande !]. Il se tourna vers cette espèce de petit faux jeton, un nommé Judas, et lui dit, ruminant sa future vengeance : "Toi, un de ces quatre, ça va être ta fête !".

Puis, alors qu'il était amené devant le tribunal, l'un de ses apôtres, un dénommé Pierre, s'approcha car il sentait bien que quelque chose d'important était en train de se passer. Jésus avait une totale confiance en Pierre. C'était quelqu'un de solide, le seul à vrai dire qui avait eu des réponses intelligentes, pour ne pas dire infaillibles (ne l'avait-il pas reconnu "Messie" le premier ?), et qui lui avait juré de le suivre jusqu'à la mort. Vraiment, une recrue dont Jésus était très content.

Or il advint que, pendant que l'on jugeait Jésus, une femme reconnut en Pierre un de ses apôtres. Lui, se sentant en danger, prétendit n'avoir jamais entendu parler de Jésus. Trois fois de suite, il nia le connaître. Trois ans qu'ils étaient ensemble, et il le lâchait ignominieusement pour sauver sa peau. Là, Jésus n'y tint plus. Il se précipita de l'autre bout de la salle, attrapa Pierre par le col, le secoua et se mit à lui crier : "Espèce d'ordure !! Je croyais que t'étais quelqu'un de bien, quelqu'un en qui on pouvait faire confiance, sur qui on pouvait compter ! Et en fait t'es qu'une vraie lopette ! un vrai lâche ! au premier coup dur tu penses qu'à ta peau ! Alors écoute : maintenant, tu prends tes affaires, tu te casses, et plus jamais, entends-tu, tu ne t'avises de parler en mon nom !!!" [après tout, Pierre venait de nier qu'il connaissait seulement ce nom : c'était bien fait pour lui] ; et Jésus ajouta : "et va dire aux autres, qui se sont si bien défilés, que je ne veux plus entendre parler d'eux non plus ! Faux frères !".

Les sources historiques perdent la trace de Jésus à partir de là. On suppose qu'il a été condamné, et que l'exécution a rapidement suivi la sentence, suivant l'usage de l'époque. Pierre est retourné, avec son frère, sur les bords du lac de Tibériade ; il a pris la succession de son père à la barre. Ce qui restait de la communauté s'est rapidement disloqué, après que Pierre leur ait transmis les ordres de Jésus, et chacun est reparti vivre comme avant.

Depuis cette malheureuse histoire, certaines personnes ont cru, pour se consoler ou se rassurer, en des dieux plus normaux : des sortes de Superman, de Père Noël ou de Père Fouettard ; d'autres, se croyant plus malins, ont refusé ces ersatz de dieux et proclamé qu'il n'en existait aucun.

Quant à ce Dieu qui voulait tout simplement qu'on L'aime, eh bien... parce qu'Il n'a trouvé personne qui aime assez fort pour montrer aux hommes son Amour, personne d'assez digne pour Lui... on n'en a plus jamais entendu parler.

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