Le doute de Joseph

Rédigé par Métro-Boulot-Catho -

La semaine dernière, j'ai eu un petit débat théologique avec un prêtre de mes connaissances sur le passage de l'annonce faite à Joseph (Mt 1, 18-25).

La question du débat portait sur l'interprétation de l'attitude de Joseph. On rappelle le contexte : Marie se retrouve enceinte "sous l'action de l'Esprit Saint" et Joseph, "son époux, qui était un homme juste, et ne voulait pas la dénoncer publiquement, décida de la renvoyer en secret" (Mt 1, 19). En homélie, ce prêtre avait expliqué que Joseph, pensant que Marie l'avait trompé avec un autre homme, voulait la répudier mais secrètement pour ne pas l'exposer au scandale. Mon désaccord s'appuyait sur une autre interprétation, entendue lors d'une formation au Collège des Bernardins, selon laquelle Joseph, certain que l'enfant est bien conçu du Saint-Esprit, doute seulement de sa propre dignité à en être l'éducateur - et l'époux d'une femme aussi exceptionnelle.

De Joseph, on ne sait pas grand'chose, mais Matthieu le qualifie d'homme juste. Dans l'interprétation traditionnelle de ce terme (rappelée par Luc (1, 6) par exemple), un juste est quelqu'un qui suit tous les commandements de façon irréprochable. D'après la loi juive, Joseph aurait dû dénoncer Marie publiquement et la faire lapider (pour adultère) ; or il ne le fait pas. On peut imaginer qu'il ait agi par sollicitude envers Marie, en ne voulant pas l'exposer au scandale : cette distance prise par rapport à la lettre de la Loi annoncerait celle de Jésus ("le sabbat est fait pour l'homme, et non l'homme pour le sabbat" Mc 2, 27).

On peut aussi comprendre qu'il ne croit pas qu'elle ait été adultère, parce qu'il croit totalement en la conception divine de Jésus. Si l'observance fidèle à la Loi est en effet le premier sens du mot "juste", une interprétation plus large, moins légaliste, de ce mot est également possible. Le juste est celui dont la conduite est parfaitement ajustée à la volonté de Dieu. Joseph n'a pas de doute sur l'origine de l'enfant que porte Marie. Il recule devant ce qu'elle implique pour lui-même.

Le débat est loin d'être clos car ces deux interprétations sont aussi fondées l'une que l'autre. Ce prêtre a eu la gentillesse de faire une petite recherche dans les auteurs classiques, et selon lui, "Eusèbe de Césarée, historien de l'Eglise du IVème siècle; saint Ephrem, moine et poète syrien; quelques exégètes modernes et l'édition de la Bible de Jérusalem vont dans [mon] sens ; saint Ambroise de Milan, saint Augustin, saint Jean Chrysostome, Luther" penchent pour la première interprétation (la sienne).

Personnellement, j'aime assez à me dire que Joseph a confiance dans les paroles que Marie lui a dites lorsqu'elle a dû lui expliquer ce qui s'est passé. ("Euh, Joseph, faut que je te parle d'un truc...").

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